14/04/2014

Lyon 2 vs. McMaster University


Ici on parle de poutine, d'artcrawl, de voyages et de pancakes qu'on en oublierait presque le point central de mon aventure canadienne: l'université! Rappelons que je suis là dans le cadre d'un échange universitaire et que l'objectif est avant tout de valider ma licence.

- Quels sont les points communs et les différences du système universitaire canadien et français? La question est un peu vague et je ne peux pas prétendre connaître toutes les universités de France et de Navarre, alors pour ne pas faire de généralités, on embarque pour une comparaison de mes deux terrains de jeu: l'Université Lumière Lyon 2 (qui comme son nom l'indique est située à Lyon) et McMaster University (qui comme son nom ne l'indique pas est située à Hamilton Ontario). 


VS.





Frais d'Inscription (ou droit d'entrée):
- Lyon 2: "presque" gratuit
- McMaster: si je suis une citoyenne canadienne en première année de sciences sociales: 4600€ (et ça ne va pas en s'arrangeant)

A première vue la balance pencherait donc pour Lyon 2. Oui mais voilà, comment fournir aux étudiants les conditions de travail nécessaires à leur réussite quand on n'a pas d'argent? Eh ben, on ne fournit pas vraiment en fait.

Les Etudes:
- Lyon 2: programme imposé, les étudiants d'une même promo et d'un même programme suivent sensiblement les mêmes cours. Quand un étudiant sort avec un diplôme de sciences politiques de Lyon 2 on sait exactement à quoi ça correspond.
- McMaster: chacun fait sa sauce. Tu peux faire une "majeure" en sciences politiques et prendre un cours de russe et un de physique en même temps pour ton intérêt personnel. Et puis tu peux suivre au sein même de ta majeure des cours de politiques publiques, ou de politiques comparées, ou même de relations internationales bref: liberté! Sauf que voilà, être diplômé en science politique à McMaster ça ne veut du coup pas dire grand chose.

Encore une fois, la balance pencherait plus pour Lyon. Malgré le fait de n'avoir aucune liberté et de n'être absolument pas encouragés à "s'ouvrir" l'esprit, les étudiants ont à première vue un diplôme peut être plus cohérent par rapport au marché aux puces de McMaster. Oui mais voilà, quand on a un peu plus d'argent dans les caisses, on peut embaucher plus de personnel dont des conseillers académiques, des vrais de vrais! Dès l'entrée en première année dans une fac canadienne, les étudiants ont rendez-vous un à un avec leur conseiller pour établir dès le départ un début de projet professionnel. Le conseiller ensuite oriente l'étudiant en l'incitant (ou l'obligeant) à suivre telle ou telle matière pour consolider son projet professionnel tout en choisissant également des matières "hs" dans cette idée canadienne d'ouverture d'esprit etc... Oui mais comment on fait quand on sait pas ce qu'on veut faire? demanderont les 3/4 des étudiants français qui avance sans savoir où ils vont. Justement, on bâtit avec ce conseiller le projet progressivement. Beaucoup d'étudiants en première année sont aussi perdus que nous l'étions en 1ère année mais le fait d'avoir quelqu'un complètement disponible tout au long de la scolarité permet d'affiner ce projet un peu plus chaque jour et de finir après 4 ans avec un projet professionnel clair et cohérent avec ton programme académique.

Disserter:
Prenons un sujet de circonstance et auquel tout le monde peut participer et avoir un avis "est-ce que le lundi est une bonne journée?"

- McMaster:
Intro: Cette dissert' soutient la thèse que le lundi est une bonne journée ce que je vais vous montrer en 4 ou peut être 5 paragraphes (parce qu'on n'est pas psychorigide, tant que c'est cohérent, ça nous va)
Développement: argument A; Argument B; Argument C; Argument D (D découlant de C découlant de B découlant de A)
Conclusion: donc le lundi est une bonne journée, point final, j'ai répondu à la question, j'ai 18/20.

- Lyon2:
Avant de rédiger l'introduction, il faut trouver la question à laquelle répondre, qui n'est généralement pas celle clairement indiquée sur le papier (pourquoi? On ne sait pas!). Le petit jeu de devinette commence. Après 10 minutes, tu as peut être une idée, c'est parti!
Intro: je pose une question tirée de mon chapeau, qu'on appelle problématique, à laquelle il ne faudra surtout pas répondre, qui utilise à peu près les mots de la question initiale mais qui les places dans un autre ordre et qui rajoute d'autres notions de manière à faire un truc incompréhensible pour bien embrouiller tout le monde. Ex: dans quelle mesure l'histoire Gréco-romaine combinée à la pensée de Jean-Jacques Rousseau nous permet-elle d'envisager la journée du lundi comme un jour central dans le déroulement de la semaine? (le délire com-plet)
Développement: 
- Partie 1: D'après les Grecs, et un petit peu les Romains mais pas trop non plus, oui,  le lundi c'est bien, surtout si on se base sur le livre paru en l'an 36 avant JC quand l'imprimante n'existait pas.
- Partie 2: Mais en fait non, si on se base sur la théorie du contrat social de Jean-Jacques Rousseau et un peu du magicien dans ma tête, en fait le lundi c'est vraiment nul
- Partie 3: Et si on combine les deux: peut être! D'un côté on peut dire que oui le lundi c'est bien, d'un côté c'est pas bien.
Conclusion: Je raconte une histoire qui ressemble à un résumé mais qui n'est pas un résumé (sinon c'est la sanction!), et à la fin, vu que je viens de pondre une dissertation qui ne répond absolument pas à la question et qui se contredit d'un paragraphe à l'autre, je vais vous poser une autre question, qui n'a cette fois rien à voir du tout avec la choucroute, qu'on appelle communément "question d'ouverture" et qui se présente ainsi: dès lors, maintenant que nous avons vu que le lundi possédait deux aspects d'une même réalité, et que le mardi est le jour suivant le lundi, on peut se demander en quoi le mardi est-il un jour palpitant et propice à la création selon Diderot et d'Alembert?
Deux cas possibles: 
1) j'ai résolu la devinette initiale avec succès, ma dissertation est très bien argumentée, la problématique est très bonne, ensemble très bon, bravo, vous obtenez 11/20! (bah attendez, c'est plus que la moyenne c'est déjà pas mal!)
2) J'ai mal compris la devinette de départ, derrière "est ce que le lundi est une bonne journée" il fallait lire "en quoi le réchauffement climatique est-il une menace à la sauvegarde de l'ours polaire au Groenland?" (logique, t'avais qu'à combiner Machiavel à Eva Joly, arriver en 3ème année de licence et pas penser à ça!), votre dissertation est hors sujet, vous obtenez la note de 3/20 après des heures de révisions. Merci les gars, je reviendrai!

Bibliothèques:
- Lyon 2: 2 bibliothèques, dont une qui a le toit cassé et dans laquelle il pleut. Ouverte de temps en temps, de 9h à 17h, et pas trop le week-end, surtout pas le dimanche.
- McMaster: 5 bibliothèques. Les espaces principaux sont ouverts de 9h à 23h toute l'année (ouverture à 10h le dimanche, les flemmards!) et certains espaces communs sont ouverts 24h/24 toute l'année. Durant la période d'examens toutes les salles de toutes les bibliothèques sont ouvertes 24H/24.

Journaux Académiques:
Les journaux académiques "peer reviewed" sont les seules sources que l'on peut utiliser dans un travail de recherche digne de ce nom en sciences sociales. Les articles académiques publiés dans ces journaux ont été édités et re re édités par des universitaires, la méthode est scientifique, les sources sont fiables.
- Lyon 2: méthode scientifique assez relaxe, on trouve dans les bibliographies des liens renvoyant vers un article du Monde ou de Libé, des fois à des pages non-identifiées d'Internet, bref, un peu tout et n'importe quoi. En même temps, l'accès à ces journaux académiques est payant et Lyon 2 est abonné à.... presque rien! Aller, Cairn Info à la rigueur! Alors quand il faut payer 2€50 pour "ajouter l'article au panier" et qu'on a besoin de 15 articles pour un dossier de 20 pages et ben ça rebute.
- McMaster: Les frais d'inscriptions comprennent l'accès aux journaux scientifiques via le réseau internet de l'université. Nous avons donc accès à tous les journaux et plateformes type Journal de la Démocratie, Jstor, projet MUSE, Taylor & Francis. Un bassin d'informations et d'articles écrits par les pointures du domaine, de quoi encourager celui qui veut se mettre correctement au boulot.

La communauté:
- Lyon 2: pas de sentiment de communauté, on arrive le plus tard possible et on s'échappe au plus vite, parce qu'on nous répète du matin au soir qu'on est des tanches incapables de réfléchir et qu'on n'arrivera jamais nul part (Moi enseignant chercheur, toi petit étudiant plus bas que terre qui se tait et qui écoute, point)
- McMaster: Les étudiants ou les parents ont du faire des sacrifices pour en arriver là, en contrepartie nous sommes donc fiers d'être étudiants de McMaster. On porte fièrement les habits "Marauders" pour supporter nos équipes sportives, on va à tous les matchs de football, on écrit dans un classeur McMaster, on écrit avec un stylo McMaster, on s'investit dans les clubs de la fac parce qu'on veut laisser notre trace dans l'université, on supporte les actions associatives "parce que nos clubs sont meilleurs que ceux de Toronto" etc...  Les profs sont là pour nous supporter: eux ce sont les enseignants-chercheurs, nous nous sommes les futurs professionnels de leur secteur (ingénieurs, médecins, infirmières, banquiers, électriciens, psychologues) ils ont donc le devoir de nous transmettre leurs connaissances pour former des professionnels compétents (pas de devinette durant les examens!). 

Le restaurant universitaire:
- Lyon 2: plusieurs restos U. On en entend des vertes et des pas mûres: c'est pas bon, c'est chère. Alors il faut savoir que le repas au resto U au prix 3€15 est composé d'une entrée, d'un plat, d'un dessert et d'un bout de pain, et en général on a quand même pas mal de choix. Et les fois où j'y suis allée j'ai plutôt bien mangé!
- McMaster: inexistant. Le resto universitaire à McMaster c'est un "food court". Un endroit avec plusieurs fastfoods tu prends ce que tu veux (entre pizza, frites, hamburgers, wraps, coca, boissons énergisantes, sodas et autres trucs bien gras) et tu passes en caisse. Non seulement ce n'est pas équilibré, mais en plus, c'est chère!
+1 pour Lyon!

C'est pas cool les français à l'étranger qui reviennent en critiquant toutes les institutions françaises. Mais il y a quand même quelque chose qui ne tourne pas rond et peut-être que finalement ça sert aussi à ça les échanges universitaires? Voir ce qui marche chez les autres et pas chez nous pour identifier les problèmes et leurs apporter une solution? Parce que sans toucher aux frais d'inscriptions français, il y aurait un paquet de choses à faire pour redorer le blason de l'université! ;-)

1 commentaire:

  1. J'aime bien tes analyses: c'est clair, net, précis et intéressant.
    Tu devrais écrire à la secrétaire d'Etat de l'Enseignement Supérieur pour lui exposer tout ça car "nos grands penseurs" sont bien loin et inconscients de tous ces problèmes, pourtant il y a du travail à faire......

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A vos claviers!